Pas trop mal

Radio-Canada rapporte que le Parti libéral du Québec a annoncé sa (nouvelle) position sur les symboles religieux dans la fonction publique. Beaucoup moins répressive que celle du Parti québécois, incarnée dans la Charte de la Honte (que j’ai critiquée à répétition), elle n’en souffre pas moins de certaines incohérences, et n’est pas aussi libérale qu’elle n’aurait dû l’être.

Le PLQ ne s’oppose pas généralement au port de symboles religieux par les employés de l’État, sauf les vêtements couvrant le visage, ainsi que le tchador, considéré comme un « symbole d’oppression et de retrait de la société ». En ce qui concerne les autres symboles religieux, pour les employés actuels, il n’y aura aucune restriction. Quant aux nouveaux employés, ceux qui portent un uniforme (par exemple, les policiers) pourront demander un accommodement, qui leur sera accordé si, en sus de conditions habituelles, ils pourront établir qu’ils font les « efforts nécessaires pour s’intégrer dans [leur] milieu de travail ».  Par ailleurs, le PLQ ne semble pas vouloir retirer le crucifix de l’Assemblée nationale, considérant qu’il s’agit d’un objet patrimonial ne contrevenant pas à la neutralité de l’État.

Que le PLQ accepte les symboles religieux, dont rien ne justifie l’interdiction, est évidemment une bonne chose. Par contre, l’interdiction du tchador ― qui ne cache pas le visage, raison invoquée pour justifier l’interdiction de la burqa et du niqab ― est une incohérence dictée, sans aucun doute, par les vacillations politiques dans lesquels les députés libéraux se sont empêtrées, et non par un principe quelconque. Bien de choses peuvent symboliser l’oppression et la marginalisation aux yeux de certains, mais représenter un engagement volontaire pour d’autres. Ce n’est pas une raison pour les interdire. Par ailleurs, je soupçonne que le cas d’employées de l’État portant le tchador est purement hypothétique (tout comme celui de celles portant le niqab!). Pourquoi donc s’entêter à en parler de façon préventive?

Je ne comprends pas, non plus, pourquoi il différencie son traitement des employés actuels et futurs en la matière. Si un symbole religieux n’est pas problématique, il ne l’est pour aucun employé, peu importe sa date d’embauche. De plus, il est répressif de demander à un employé de prouver qu’il fait des « efforts pour s’intégrer dans son milieu de travail ». À quel genre d’inquisition de tels employés devront-ils se soumettre pour faire cette preuve? Que sont, au juste, « les efforts nécessaires pour s’intégrer dans son milieu de travail »? Faut-il jouer à la 6/49 avec les collègues? Connaître par coeur les chansons de Céline? Manger du porc à la cabane à sucre? Cet élément de la position du PLQ est aussi illibéral que bizarre.

Quant au crucifix de l’Assemblée nationale, la position du PLQ sur ce point est tout simplement hypocrite. Il est absurde de prétendre qu’un crucifix ― ou une prière ― ne sont pas religieux.

Malgré tout, ce n’est pas trop mal. Le crucifix n’a pas empêché le Québec de se laïciser (preuve que les apparences sont trompeuses ― celle de religiosité excessive autant que peut l’être celle de laïcité), et on peut toujours espérer que la preuve d’ « efforts pour s’intégrer », bien que potentiellement oppressive et discriminatoire ne sera très exigeante en pratique. Il demeure que, si les grands principes de la position du PLQ sont libéraux, la peur électoraliste l’amène tout de même à les compromettre dans une certaine mesure.

***

NOTE: Ce billet remplace une version précédente beaucoup plus dure à l’endroit du PLQ. Celle-ci était basée sur un reportage de Radio-Canada qui donnait une impression très différente de la position du PLQ, et qui a lui-même été très considérablement modifié depuis. J’espère que mes lecteurs m’excuseront ― mais je trouve inexcusable le travail bâclé initial de Radio-Canada.

Author: Leonid Sirota

Law nerd. I teach public law at the University of Reading, in the United Kingdom. I studied law at McGill, clerked at the Federal Court of Canada, and did graduate work at the NYU School of Law. I then taught in New Zealand before taking up my current position at Reading.

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